Saturday, July 12, 2008

Contester l'authenticite de sa signature sans affidavit

Bref billet afin d'être le premier (après SOQUIJ évidemment - Merci) à mettre en ligne cette décision que la Dépêche d'Azimut résume ainsi:

"À l'occasion d'une défense orale à une action sur compte, la défenderesse est autorisée à contester l'authenticité de sa signature sans la présentation d'un affidavit.
[C.Q.] AZ-50500372"

Avertissement: je suis sur mon BlackBerry et n'ai pas lu la décision.

Premièrement, il me semble que, dans la mesure où cette décision traite d'un document technologique, elle va non seulement à l'encontre de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (art.39, infra) mais aussi au Code de procédure civile qui stipule:

89.  Doivent être expressément alléguées et appuyées d'un affidavit: 
1. la contestation de la signature ou d'une partie importante d'un écrit sous seing privé, ou celle de l'accomplissement des formalités requises pour la validité d'un écrit;
4. la contestation d'un document technologique fondée sur une atteinte à son intégrité. Dans ce cas, l'affidavit doit énoncer de façon précise les faits et les motifs qui rendent probable l'atteinte à l'intégrité du document.
A défaut de cet affidavit, les écrits sont tenus pour reconnus ou les formalités pour accomplies, selon le cas.

Peut-être suis-je trop formaliste mais je ne vois dans cet article aucune souplesse, aucune discrétion, aucune alternative. Le commun des mortels dirait simplement: "c'est la loi"!

Par ailleurs, même si elle ne traite pas d'un document technologique, cette décision va à l'encontre de l'alinéa 1.

Deuxièmement, et là est mon principal grief, je parierais que cette décision a été rendue dans un contexte où la pièce en question n'a pas été produite dans les délais prescrits par le Cpc. En effet, nonobstant le fait qu'il s'agisse d'une défense orale, les documents auxquels les parties entendent se référer doivent être dénoncés ou communiqués et produits avant l'audition afin, entre autres, de permettre a la partie adverse de se défendre convenablement, par exemple, en souscrivant un affidavit tel que prescrit par la Cpc...

Malheureusement, la réalité est que, souvent (trop souvent), une partie déballe son sac le jour du procès prenant ainsi la partie adverse par surprise qui se voit, bien malgré elle, traînée dans ce que les common lawyers appellent un "trial by ambush". À mon grand dam, ces pièces sont generalement admises "dans l'interet de la justice", "afin que la procedure ne soit pas mettre du fond", "parce qu'il s'agit d'une piece dont la partie adverse avait ou [pire encore] devrait avoir connaissance", et dernièrement, "par proportionnalite"... En deux mots, toutes les raisons sont bonnes!

Dès que je mets la main sur mon ordi, je la lis et vous reviens.

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39.  Quel que soit le support du document, la signature d'une personne peut servir à l'établissement d'un lien entre elle et un document. La signature peut être apposée au document au moyen de tout procédé qui permet de satisfaire aux exigences de l'article 2827 du Code civil.

Opposabilité.
La signature d'une personne apposée à un document technologique lui est opposable lorsqu'il s'agit d'un document dont l'intégrité est assurée et qu'au moment de la signature et depuis, le lien entre la signature et le document est maintenu.

2 comments:

Vincent Gautrais said...

Je pense a priori être passablement d'accord avec toi sur le fond; et un peu agacé de ne pas trouver ladite jurisprudence autrement que par un mode payant.

Aussi, j'ai cherché sur canlii et jugements.qc.ca, mais sans la date, le nom des parties, pas facile.

Dominic Jaar said...

La décision est François Lespérance inc. c. Pedrum inc., 2008 QCCQ 5865.

Malheureusement, il semble que mes appréhensions étaient avérées. En voici les extraits importants pour nos fins [mes italiques et gras]:

"[11] En défense, monsieur Shokouhi soutient que la signature apparaissant à la demande d'ouverture de crédit et au cautionnement n'est pas la sienne. Il n'a vu ce document pour la première fois que lorsque l'action a été intentée.
[...]
[18] Dans son plaidoyer, la demanderesse soutient que la défense est irrégulière en ce qu'elle ne respecte pas les dispositions des articles 2828 du Code civil et 89 du Code de procédure, lesquels se lisent comme suit:
ART. 2828 Celui qui invoque un acte sous seing privé doit en faire la preuve.
Toutefois, l'acte opposé à celui qui paraît l'avoir signé ou à ses héritiers est tenu pour reconnu s'il n'est pas contesté de la manière prévue au Code de procédure civile.
ART.89 Doivent être expressément alléguées et appuyées d'un affidavit:
1) la contestation de la signature ou d'une partie importante d'un écrit sous seing privé, ou celle de l'accomplissement des formalités requises pour la validité d'un écrit;
[...]
À défaut de cet affidavit, les écrits sont tenus pour reconnus ou les formalités pour accomplies, selon le cas.

[19] Avec égard, le Tribunal considère que la rigidité de ces articles doit être mitigée par le fait que le Code exige maintenant une défense orale (art. 175.2) C.p.c. dans une action sur compte.

[20] De plus, le défendeur a, dès le départ, avisé la demanderesse qu'il niait l'authenticité de sa signature sur le cautionnement.

[21] La demanderesse n'est donc pas prise par surprise[!!!] et ce moyen est rejeté.

[22] La défense est sérieuse et a pour effet de renverser le fardeau de la preuve.

[23] Il appartenait à la demanderesse de démontrer que la signature apparaissant sur le cautionnement était bien celle du défendeur.

[24] N'ayant pas réussi à faire cette preuve, la demanderesse ne peut réussir dans son recours."

Certes, les litiges sont du cas par cas. En l'espèce, peut-être le résultat est-il le bon, dans l'intérêt de la justice? Par ailleurs, je ne peux faire autrement que m'interroger quant aux moyens utilisés pour y parvenir.

Dans un autre ordre d'idées, là où ma soif n'est pas étanchée quant à l'applicabilité de la LCCJTI, c'est à savoir comment la "communication" a eu lieu et plus particulièrement, comment les documents d'ouverture de crédit et de cautionnement ont été échangés... À la lecture du paragraphe 17 ("Cette preuve, non contredite, démontre que monsieur Shokouhi n'était pas au pays lorsque l'échange de correspondance est intervenu avec la demanderesse, relativement à la demande d'ouverture de crédit et la remise d'un cautionnement."), on doit conclure qu'ils ont été échangés en personne...

Qui a dit dura lex, sed lex?