Me Mark Phillips, avocat au cabinet où j'ai débuté ma pratique, Borden Ladner Gervais, n'a pas eu peur de se mouiller en abordant un sujet chaud à propos duquel ni le droit ni la jurisprudence ne sont encore prononcés.
Il s'est d'abord attardé au Code de Procédure Civil (C.p.c.) et plus précisément au chapitre touchant à la conservation de la preuve.
L'article 438 Cpc prévoit en effet ce qui suit:
Celui qui, prévoyant d'être partie à un litige, a raison de craindre qu'une preuve dont il aurait besoin ne se perde ou ne devienne plus difficile à présenter, peut demander par requête:
a) que soient entendus antérieurement à l'audience les témoins dont il craint l'absence ou la défaillance;
b) que soit examinée par une personne de son choix toute chose, mobilière ou immobilière, dont l'état peut influer sur le sort du litige prévu.
Comme beaucoup d'autres, ces règles sont très (trop) vieilles et comme celle relative à la preuve testimonial de contrat de 1500$, elle date de 1560!! De plus, cette règle est déficiente :
- Jurisprudence contradictoire
- Vise le témoignage et les choses
o Documents ne sont pas visés
- Requiert une requête (ad futuram memoriam)
o Juges réticents à les accorder
- Avant le litige
- La règle n’a pas pour but de favoriser la découverte de nouveaux faits
o Pas un mécanisme de discovery
L'article 401 Cpc qui aurait pu être intéressant puisqu'il permettait d'obtenir un écrit, après production de la défense, a été abrogé. Par contre, l'article 397 Cpc concernant l'interrogatoire préalable a pris la relève en étant modifié pour y ajouter l’écrit.
L'article 402.1 Cpc permet aussi, après production de la défense, d'obtenir un écrit détenu par un tiers. Davantgem l'alinéa 2 prévoit que le tribunal peut ordonner l'exhibiton et la conservation d'élément matériel de preuve (pas un document).
Donc, il y a pas de règle quant à la préservation: A-t-on l’obligation de conserver malgré qu’il n’y ait pas de règle?
Avant l'arrêt
Lac d’amiante les avocats, professeurs et juges québécois croyaient que le litige civil était public. Le juge Louis Lebel a tôt fait d'énoncer que litige civil est privé et donc que les parties ont une obligation implicite de confidentialité dans le cadre des interrogatoires préalables. Cette règle existait en Ontario et a donc été importée en droit québécois, tout comme le seront, les règles d'
e-discovery.
Me Phillips a aussi traité des décisions
Zubulake sur lequel je ne reviens pas vu la quantité importante d'écrits existants déjà à ce sujet. Notons simplement:
1) Naissance de l’obligation de préservation : appréhension
2) Objet de l’obligation
a. Données apparentes (actives)
b. Méta-données
3) Obligation de conseil de l’avocat
Quant au "litigation hold", il discute du contenu et de l'obligation en citant l'affaire
Desgagne où la cour de Colombie-Britannique a rejeté une demande d'accès à un ordinateur (entre autres, puisque l'utilisation de l’ordinateur avait un lien trop mince avec l'identification du préjudice corporel subi. Selon la cour, théoriquement, il peut aider mais le lien est ténu. On conclut que ce n’est pas parce que le medium est électronique et qu’on y donnera accès.
Maintenant, quelle est la sanction de la violation de l’obligation de conservation? Comme aux USA, la CSC a déjà reconnu dans l'affaire St-Louis c. La Reine (CSC 1896) qu'il pouvait y avoir une présomption défavorable:
o Entreprenuer poursuit Gouv Canada re paiement travaux de construction
o Gouv ne croit pas qu’entrepreneur a travaillé tout ce temps
o St-Louis avait détruit les feuilles de temps
o Présomption refragable
o St-Lousi a convaincu par témoignage
- Sanction de fond?
o Malice
o Volontaire
o Accidentelle
Spastic c. Imperial Tobacco (ont)
• Independant tort of spoliation
• Cour refuse de radier de façon préliminaire la demande re Independant tort of spoliation
Je préfère utiliser l'expression "Obligation de préservation (rétention)" plutôt que sursis de destruction puisqu'il ne faut pas oublier la possibilité de modification par opposition à la destruction.
Il serait aussi possible d'utiliser l'interrogatoire sur faits et articles bien que les questions posées doivent se répondre par oui ou non.
J'ajouterais que l'"Élément matériel de preuve" auquel réfère 402.1 Cpc pourrait être un serveur.
Quant à l'accès aux méta-données, il peut être une arme puissante pour un interrogatoire préalable... Je n'en dis pas plus!!
Good job Mark!! Really interesting and enlighting!!